La Grande chambre de recours de l’Office européen des brevets a rendu le 14 mai 2020 (OEB, GCR, 14 mai 2020, aff. G 3/19, Poivron) un avis qui devrait mettre fin aux hésitations entourant la protection de l’innovation végétale par la propriété intellectuelle.
Le règlement n° 2100/94 du 27 juillet 1994 écarte expressément le cumul d’une protection communautaire des obtentions végétales (PCOV) avec un brevet d’invention.
Mais si l’article 53 (b) de la convention sur le brevet européen indique que les brevets ne sont pas délivrés pour les variétés végétales ainsi que pour les procédés essentiellement biologiques d’obtention des végétaux, il ajoute que « cette disposition ne s’applique pas aux produits obtenus par ces procédés ».
Cette disposition a conduit la Grande chambre de recours à déclarer brevetables un brocoli et une efflorescence de brocoli, ainsi qu’une tomate déshydratée, dans la mesure où ces produits végétaux étaient issus de procédés essentiellement biologiques et ne décrivaient pas une variété végétale au sens étroit du règlement 2100/94 (OEB,GCR, 25 mars 2015, aff. G 2/12, Tomate II; OEB, GCR, 25 mars 2015, aff. G 2/13, Brocoli II).
Ces décisions ont inquiété la communauté de la création variétale qui y a vu une menace sur le certificat d’obtention végétale et, par suite, une limitation du libre accès de l’obtenteur à la diversité génétique.
A la demande du Parlement européen la Commission avait émis un avis tendant à l’exclusion de la brevetabilité des produits obtenus exclusivement par des procédés essentiellement biologiques (Avis C/2016/6997, JOUE C 411 du 8.11.2016).
Cet avis a conduit le conseil d’administration de l’Office européen des brevets a introduire dans le règlement d’exécution de la convention sur le brevet européen une règle 28(2) qui exclut du brevet les plantes obtenues exclusivement par des procédés essentiellement biologiques.
Toutefois une résistance s’est manifestée au sein même de l’OEB dont une chambre de recours technique a refusé de faire prévaloir la nouvelle règle et a admis la brevetabilité pour un gros poivron très foncé (OEB, CRT, 5 décembre 2018, aff. T 1063/18).
Le président de l’Office européen des brevets a alors décidé de saisir le Grande chambre de recours de la question de droit.
Celle-ci est revenue de façon spectaculaire sur sa jurisprudence antérieure en soulignant que l’interprétation de l’article 53 (b) devait se faire de façon dynamique et que, compte tenu de la volonté des parties manifestée dans la nouvelle règle 28(2), il y a lieu d’exclure de la brevetabilité les végétaux et le matériel végétal si le produit revendiqué est exclusivement obtenu par un procédé essentiellement biologique.
Toutefois cette jurisprudence n’est pas applicable aux brevets ou au demande de brevets antérieurs au 1er juillet 2017, date d’entrée en vigueur de la règle 28(2).
Cette décision devrait mettre un terme au débat et fixer de façon définitive les limites entre la protection spécifique des obtentions végétales et le brevet en ce qui concerne l’innovation végétale.