En 2024 la Chambre de recours de l’Office Communautaire des Variétés Végétales (OCVV) a statué dans deux affaires jointes concernant la procédure de nullité d’une protection communautaire des obtentions végétales (PCOV) : OCVV, ch. rec. 12 janvier 2024, aff. jointes A019/2021 et A020/2021, Teak Enterprises Pty Limited / OCVV ( « Cripps Pink » et « Cripps Red »).
Les faits sont les suivants :
Le 29 août 1995 la Western Australian Agriculture Authority (WAAA) a déposé deux demandes de PCOV concernant l’espèce Malus domestica Borkh (un pommier domestique): L’une pour la variété « Cripps Pink » (commercialisée sous la marque « Pink Lady »), l’autre pour la variété « Cripps Red » (commercialisée sous la marque « Sundowner »puis « Joya »).
L’OCVV a délivré les titres respectivement les 15 janvier 1997 et 7 septembre 1998.
La société australienne Teak Enterprises Pty Limited est elle-même titulaire d’une PCOV sur une variété de pommier dénommée « PLBAR B1 » qui a été déclarée essentiellement dérivée de la variété « Cripps Pink ». Elle ne peut donc exploiter sa propre variété sans le consentement du WAAA et a donc intérêt à tente d’obtenir la nullité des PCOV protégeant les variétés premières.
La société Teak a ainsi saisi le 21 décembre 2020 l’OCVV de deux demandes en nullité des deux PCOV de la WAAA. Elle allègue que ces variétés sont dépourvues de nouveauté comme ayant été commercialisées, vendues ou remises à des tiers à des fins d’exploitation en Australie avant même le délai de grâce de 6 ans, soit avant le 29 août 1989, ces actes étant de nature à ruiner la nouveauté des variétés.
Dans deux décisions rendues le 17 mai 2021 l’OCVV a rejeté ces demandes en retenant que les conditions pour ouvrir une procédure en nullité de PCOV n’était pas réunies et a donc refusé de prononcer ladite nullité.
La société Teak a formé appel devant la Chambre de recours de l’OCVV le 16 juillet 2021 et la WAAA est intervenue à l’instance.
Cette affaire permet à la Chambre de recours de préciser les conditions de la procédure en nullité d’une PCOV :
L’article 53 bis du règlement (CE) n° 874/2009 modifié par le règlement d’exécution (UE) 2016/1448 du 1er septembre 2016, organise la procédure en nullité en deux temps :
- La procédure en nullité peut être engagée par l’Office dès lors qu’il existe de sérieux doutes quant à la validité de faits du droit à la protection communautaire;
- La demande introduite auprès de l’Office en vue de l’ouverture de la procédure en nullité est accompagnée d’éléments probants et factuels faisant naître des doutes sérieux quant à la validité du droit à la protection communautaire.
La première phase consiste donc pour le demandeur à la nullité de convaincre l’OCVV d’ouvrir la procédure sur la base de rapporter la preuve de faits faisant naître un doute sérieux sur la validité du droit.
A cet égard la Chambre de recours retient qu’il est indifférent que la validité de la PCOV ait pu être déjà discutée : L’OCVV doit apprécier de façon objective et impartiale les faits et les preuves avancés par la société Teak dans le cadre de la procédure ouverte davant lui.
En l’espèce, selon la Chambre de recours, la société Teak avait apporté la preuve d’un possible consentement implicite de l’obtenteur à la commercialisation du matériel de la variété avant la date de référence.
Contrairement à l’appréciation de l’OCVV, la Chambre de recours juge ces éléments de preuve suffisamment importants pour faire naître des doutes sérieux quant à la nouveauté des variétés litigieuses, justifiant l’ouverture des procédures en nullité.
Conformément aux deux temps du déroulé de la procédure, la Chambre de recours ne s’est prononcée que sur la recevabilité des demandes et a renvoyé l’affaire à l’OCVV sur le fond.
La WAAA a par ailleurs formé recours contre cette décision devant le Tribunal de l’Union européenne.
Cette affaire est donc à suivre.